Têtes rondes et cavaliers : Acte 3


Lucy, que Sara accompagne, est tout contre la grille de la prison de la forteresse, où Clifford est emprisonné. Elle a retrouvé la raison mais vit dans le désespoir. Sara mentionne au passage qu’elle a épousé Habacuc, devenu gardien de la forteresse, et qu’elle aurait espéré que celui-ci les aide, mais ce fut vain. Lucy a couru à Londres demander la grâce de Clifford à Cromwell ; elle a réussi à parvenir jusqu’à lui après deux semaines, et il lui a promis la grâce de Clifford. Elle est revenue la veille, mais la grâce promise n’est toujours pas arrivée et c’est aujourd’hui que l’exécution doit avoir lieu. Lucy a maintenant toute sa raison et se désole d’avoir créé la situation qui envoie son promis à la mort ; elle aurait préféré mourir auparavant. Elle craint que Mulgrave ne hâte l’exécution de Clifford en qui il voit son rival. Mais ce n’est plus Mulgrave le maître à la forteresse : le général Monck est arrivé. Lucy, torturée de remords, relit la lettre qu’elle a arrachée à Clifford.

Habacuc arrive, annonce que tout est prêt pour l’exécution qui aura lieu lorsque deux heures sonneront. La grâce de Cromwell arrivera trop tard… Lucy se désespère, cherche un moyen de retarder le moment fatal. Puis elle sort, accompagnée de Sara, pour prier et voir si rien n’arrive de Londres. Habacuc reste seul ; il avoue avoir été ému malgré lui par le désespoir de Lucy. Est-ce son récent mariage qui l’a attendri ? Mais Mulgrave entre, accompagné du général Monck, et Habacuc se retire.

Monck se montre satisfait de Mulgrave, puis déplore l’exécution à venir de Clifford, dont Mulgrave se réjouit au contraire. Ce dernier insiste sur la mort de Clifford, alors que Monck, sans s’y opposer ouvertement ; il voit même Mulgrave comme un danger dans son fanatisme. Mulgrave insiste sur la fidélité de Monck à leur cause commune ; celui-ci demande à rencontrer Clifford : il souhaite interroger ce dernier qui était récemment sur le continent.

Mulgrave sort et Monck reste seul. Il ne semble pas vouloir la mort de Clifford, mais la considérer comme inévitable dans le contexte de guerre civile. Il craint aussi que Clifford n’en sache un peu trop, avec l’implication que lui-même pourrait être menacé. Il envisage aussi que cette guerre, qui a renversé la royauté, pourrait avoir pour résultat d’instaurer une nouvelle dynastie : celle de Cromwell.

Clifford entre, amené par des soldats ; il reconnaît Monck. Il sait quelque chose de compromettant à son sujet : lequel des deux a le plus peur? Au cours de sa discussion avec Monck, il mentionne qu’il a pris le parti de Charles II cinq ans auparavant, et était dès ce moment conscient qu’il risquait sa vie. Monck l’interroge : quelle est la cause de son retour ? L’amour. Rien d’autre? Clifford refuse de répondre : il ne sauvera pas sa vie au prix d’une lâcheté. Il ne répond pas non plus sur l’identité de la prisonnière qu’il a sauvée, mais ne croit pas que Monck l’ignore. Puis il parle franchement à Monck : il y a des hommes qui ont fait preuve d’ingratitude envers le fils du monarque qui fut leur bienfaiteur. Monck répond que de tels hommes sont bien à plaindre car ils n’ont pas de repos ; seul le futur les absoudra. Clifford plaint ceux qui sont obligés de subir les prêches puritains ; lui n’a pas ce souci et, déjà condamné, il peut dire librement ce qu’il pense et crier son soutien à Charles II. La conversation se termine avec Monck comptant sur le courage de Clifford et celui-ci l’assurant de son silence.

Resté seul, Clifford tourne ses pensées vers Lucy. Il se met à chanter et se remémore leurs amours d’enfance. Mais la cloche sonne deux heures : le moment prévu pour son exécution. Mulgrave et des soldats, officiers et puritains entrent. Clifford est prêt à mourir en soldat, mais il demande à Mulgrave de dire à Lucy que sa dernière pensée fut pour elle, et de cesser de la poursuivre de ses assiduités puisqu’elle ne l’aime pas – ce qui ne fait évidemment pas plaisir à Mulgrave.

Lucy, justement, entre à la grande surprise des présents dont Mulgrave, qui avait donné des ordres pour qu’elle soit tenue à l’écart. Elle explique que Clifford connaît un complot contre le Protecteur (Cromwell) et qu’il ne faut donc pas le mettre à mort. Clifford se demande pourquoi Lucy l’accuse, si elle a de nouveau perdu la raison, mais Mulgrave a compris : ce n’est qu’une ruse de Lucy pour gagner du temps. Lucy hésite : la lettre qu’elle détient peut sauver momentanément Clifford, mais le tuer plus sûrement plus tard. Mais le courrier de Londres n’arrive toujours pas et elle se décide : elle remet à Mulgrave la lettre de Charles II. Mulgrave lit en aparté, voit que la lettre mentionne un général, hésite, puis suspend l’exécution. Désespoir de Clifford, ramené dans sa prison par les soldats.

Lucy reste seule et se désespère : n’a-t-elle offert qu’un sursis momentané à Clifford ? Il ne l’a pas comprise ; la croit-il encore folle ? Un cor sonne, un autre lui répond, et Sara entre. Elle annonce l’arrivée d’un courrier venu de Londres : la grâce attendue ! Mais elle a appris que Lucy a accusé Clifford d’un nouveau crime. Lucy s’explique : il n’y avait pas d’autre moyen de retarder l’exécution. Elle demande à Sara de sortir : elle va essayer de fléchir Mulgrave.

Mulgrave revient, troublé par ce qu’il a appris : il y a un traitre à leur cause, dont la lettre lui a appris à l’évidence l’identité ! Lucy le supplie de laisser la vie sauve à Clifford et lui rappelle que c’est Mulgrave lui-même qui a laissé fuir Clifford et la prisonnière, et que Cromwell lui-même, qui connaissait pourtant l’identité de cette femme, a fait grâce. Mais celui-ci lui rappelle que Clifford est maintenant accusé d’un crime encore plus grave. Lucy demande encore sa grâce, même au prix de devenir la femme de Mulgrave. Mais celui-ci, rempli d’amertume, lui rappelle que d’autres que lui ont entendu l’accusation. Il ne veut plus que se venger de Clifford et aussi de Lucy.

Monck revient, avec Clifford et des officiers et soldats. Il communique l’ordre reçu de Cromwell : Lord Clifford a la vie sauve, mais il doit quitter l’Angleterre. Un officier puritain réplique qu’il y a une autre accusation, celle portée par Lucy. Mulgrave lui répond : il sait qu’elle est fausse et avait juste pour but de gagner du temps. Lucy n’y comprend plus rien ; Mulgrave lui dit à part qu’il se venge d’elle et de Clifford. Puis il ajoute, pour tous, que Clifford peut retrouver la liberté. Un officier s’interpose : ils veulent connaître la vérité et ne peuvent pas croire Mulgrave sur parole dans une affaire aussi grave. Monck appuie la demande des officiers, Celui-ci maintient que la lettre n’est qu’un tissu de mensonges ; mais il finit par la lire, et elle désigne bien Monck comme étant du côté de Charles Stuart. Monck s’empare la lettre et la froisse, parlant d’imposture et demandant aux présents de le croire sur parole. Il ordonne à Clifford d’avoir quitté sous vingt-quatre heures l’Angleterre ; heureuse, Lucy l’accompagne dans son exil. La pièce se termine sur deux échanges à voix basse, d’abord entre Monck et Mulgrave qui semble avoir protégé in-extremis ce dernier au nom de leur amitié passée, puis entre Monck et Clifford qui lui dit au revoir à la cour du roi Charles II.

Retour à Têtes rondes et cavaliers