Sara et Habacuc entrent, venant de côtés opposés. Sara se désole de l’état de Lucy, qui a perdu la raison. Habacuc ne comprend d’abord pas et demande à Sara comme elle le trouve, lui, ce matin. Une fois détrompé, loin de plaindre Lucy il suggère que les jeunes filles devraient s’éprendre d’un homme mûr, comme lui. Puis il fait la cour à Sara ; il manifeste aussi son intérêt pour la maison de Sara, située près de la forteresse où il est sergent et qui a même un jardin et une basse-cour. Sara mentionne que Lucy est chez elle en l’absence de son père, retenu à Londres « pour y rendre des comptes ». Elle répond de manière dilatoire à la proposition de mariage de Habacuc, juste avant l’arrivée de Mulgrave qui envoie Habacuc faire relever la sentinelle postée en bord de mer.
Mulgrave est venu prendre des nouvelles de Lucy : ayant perdu contact avec la réalité la plupart du temps, elle est souvent heureuse, mais quand la raison lui revient, elle est très malheureuse. Il lui apporte une bonne nouvelle : Lord Walton (dont nous apprendrons à la scène suivante qu’il était accusé d’avoir trahi la confiance du Parlement) a retrouvé la faveur du Parlement et de Cromwell. Au passage, nous apprenons que c’est Mulgrave lui-même qui est devenu gouverneur de la forteresse en remplacement de Lord Walton. Mais Lord Clifford, lui, a été condamné à mort et Mulgrave n’hésiterait manifestement pas à exécuter cet arrêt. Il mentionne l’inspection du général Monck, son « protecteur et ami », en cours dans la province ; ce dernier visitera sans doute prochainement la forteresse.
Lucy, dont on a entendu le chant triste au fond lors de la scène précédente, entre. Mais elle est maintenant très gaie, reconnaît Sara et même Mulgrave qu’elle dit « aime[r] tant ». Au contraire de Sara, Mulgrave est prêt à croire que le cœur de Lucy a changé. Lucy se remémore ensuite le bonheur passé dans le domaine de son père, puis son mariage à venir. Mais, si elle retrouve la mémoire, elle retrouve aussi le souvenir de la trahison d’Arthur et sa souffrance. Mulgrave rappelle à Lucy que son promis a pu la trahir. Lucy a des souvenirs confus et sait seulement qu’autrefois, elle n’était pas ainsi. Elle plaint Mulgrave, puis demande à rester seule. Sara, qui sait que Lucy est plus calme lorsqu’elle est seule, sort en entraînant Mulgrave à qui elle demande de supprimer, lorsque c’est possible, le bruit du tambour qui rappelle à Lucy son malheur et provoque de nouvelles crises. Mulgrave, pourtant conscient que Lucy a perdu la raison, persiste à espérer que Lucy réponde à son amour.
Lucy, restée seule, se rappelle ses amours avec Clifford. Mais c’est une autre qu’il aime maintenant, et avec laquelle il est parti. Lucy, qui a en main le portrait de la pseudo-comtesse qu’elle avait elle-même peint, se compare à elle : si Arthur a préféré la comtesse, c’est qu’elle est gaie et bien coiffée, alors que Lucy est pâle, triste, et ne sait plus arranger ses cheveux. Elle chante ensuite le temps où son amoureux reviendra et où elle ressemblera au portrait de la femme avec qui il a fui. Mais elle se rend bien compte qu’elle n’arrive pas à ressembler au portrait et devient agitée.
Habacuc revient de la mission que lui avait confiée Mulgrave, et se dit prêt pour le mariage. Il ne voit pas Lucy, qui a de nouveau perdu contact avec la réalité. Celle-ci le prend pour un cavalier (comme son amoureux), décide de le garder pour elle seule, et l’enferme dans la pièce. Puis elle revient vers Habacuc à qui elle fait une déclaration d’amour. Celui-ci est plus que surpris et commence à ressentir de la pitié envers Lucy. Mais elle insiste pour qu’ils dansent ensemble, au grand effroi de Habacuc qui n’a jamais dansé mais lui cède, croyant Lucy dans sa folie capable de tout. Ils dansent ensemble, puis Lucy semble réaliser avec qui elle danse et s’enfuit dans un grand cri. Sara entre juste à ce moment. Elle a vu Habacuc danser et se moque de lui. Mais un coup de feu retentit, tiré par la sentinelle postée sur le rivage, et on voit passer au fond Clifford. Habacuc, qui trouve très pénible d’être amoureux à une époque de guerre civile, doit retourner à son poste.
Sara reste seule, puis Clifford entre. Il a échappé aux Têtes-rondes et a trouvé la maison de Sara, qu’il cherchait. Il se fait reconnaître d’elle, qui le met au courant de la situation : sa vie est menacée et il a même été condamné à mort. Mais il insiste : il veut se justifier auprès de Lucy. Sara réalise qu’il ne connaît pas l’état de celle-ci, qui entre justement; elle a l’espoir que le retour de son amoureux puisse rendre la raison à Lucy. Clifford est frappé par le changement de Lucy. Il s’agenouille devant elle et lui demande pardon pour ses souffrances, et le miracle a lieu : Lucy le reconnaît. Il demande à Sara de veiller et le prévenir si des soldats approchent, celle-ci sort, et il reste seul avec Lucy.
Clifford n’est pas surpris que Lucy soit en colère contre elle : c’est une preuve de l’amour qu’elle lui porte ; mais il peut expliquer sa conduite. Il l’aime plus que sa vie – déclaration que Lucy, en aparté, prend comme signifiant qu’il la prend pour l’autre femme : elle n’est pas encore délivrée de ses fantasmes et craint que le bonheur présent ne soit qu’une illusion. Lui la détrompe doucement ; au fur et à mesure de ses explications, la raison revient petit à petit à Lucy. Le devoir et l’honneur commandaient à Clifford de sauver la prisonnière, mais il ne l’a pas épousée : cette prisonnière était la Reine et elle aurait été condamnée à mort par le Parlement. Pour preuve de ses dires il montre à Lucy, qui a maintenant tout à fait retrouvé la raison, une lettre de Charles II le remerciant d’avoir sauvé sa mère. Lucy, maintenant tout à fait rassurée, se jette dans les bras de son amoureux, qui lui propose de s’enfuir avec lui. Elle hésite et refuse de lui rendre la lettre royale, malgré ses demandes insistantes. Un roulement de tambour se fait entendre et Lucy recommence à délirer.
Sara entre prévenir que Habacuc et une troupe de soldats se dirigent vers la maison, force Clifford à se cacher à l’intérieur, puis sort surveiller l’évolution de la situation. Lucy reste seule, heureuse d’avoir retrouvé l’amour et son promis, mais les roulements de tambour la ramènent au moment où il s’est enfui avec une autre. Clifford revient et presse Lucy de s’enfuir avec lui. Mais elle a de nouveau perdu la raison, refuse de le suivre et le retient en appelant au secours.
Sara, des domestiques et des soldats, puis toute une foule, accourent ainsi que Mulgrave et Habacuc. Mulgrave reconnaît Clifford, lui apprend que le Parlement l’a condamné à mort. Clifford réalise que Lucy a de nouveau perdu la raison, mais celle-ci a bien saisi que c’est elle qui a provoqué son arrestation et s’évanouit, horrifiée. Le rideau tombe alors que Clifford est emmené prisonnier.
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