Têtes rondes et cavaliers : acte 1

Lucy et son père parlent du retour prochain de Clifford, Lucy s’en disant très heureuse. Habacuc mène une réunion religieuse ; il mentionne qu’il n’y aura plus d’aumôniers ni de prédicateurs, c’est à dire de religieux jouant un rôle d’intermédiaires entre les assistants et Dieu, puis propose à Mulgrave de prendre la parole. Sara rappelle à Habacuc que Mulgrave est presbytérien, et non puritain comme lui, Pembroke. Pembroke réplique qu’il s’est dépouillé du vieil homme et a changé son nom pour prendre celui de deux prophètes (Jéroboam et Habacuc). Puis Lucy se moque du manque d’inspiration de Habacuc, et est rappelée à la prudence par son père qui semble avoir peur d’offenser « ces gens-là » : les puritains, vraisemblablement.

Habacuc sorti avec les soldats, Lucy reste seule avec son père et Mulgrave. Walton annonce à Mulgrave qu’il attend l’ordre du parlement au sujet de la comtesse de Villequier, dont il met d’ailleurs en doute l’identité. Mulgrave rappelle les circonstances de la capture de la comtesse : aux environs de Plymouth, à un moment où un vaisseau de partisans du roi d’Angleterre fut jeté sur les côtes anglaises. Il mentionne aussi l’attrait qu’exercent les cavaliers sur les femmes. Lucy lui rétorque que si les cavaliers sont aimables et séduisent les femmes, rien n’empêche les autres – et d’abord Mulgrave, évidemment – d’en faire autant.

Mulgrave revient sur les circonstances de la capture de la comtesse : il la soupçonne d’avoir été chargée par Henriette « la papiste » d’une mission auprès des partisans de son fils (fils qui devrait être le roi d’Angleterre après le décès de son père, mais est pour le moment en exil). Puis il demande à Walton un entretien seul à seul. Avant de sortir, Lucy rappelle à son père qu’« Arthur, c’est ma vie ! » ; celui-ci l’assure qu’il ne changera pas d’avis et que Lucy l’épousera bientôt.

La scène suivante prend donc place entre Walton et Mulgrave, qui lui rappelle que Walton lui a autrefois promis Lucy. Walton répond qu’il ne veut pas disposer de Lucy contre sa volonté, mais Mulgrave lui rappelle son comportement au début de ce qu’il appelle des « troubles civils » : s’il donne maintenant la main de sa fille à un Cavalier, que vont penser ses ennemis ? Walton répond être conscient de l’usage que ses ennemis politiques pourraient faire du mariage de sa fille avec un royaliste, mais qu’il a été élevé avec elle et qu’elle ne peut vivre sans son amour, et que lorsque lui-même a exposé la situation à Cromwell, celui-ci a parfaitement compris et a donné son autorisation. Mulgrave rétorque qu’il aime Lucy et que les sentiments de celle-ci peuvent changer, mais Walton reste ferme : le mariage va se faire le jour même. Mulgrave, furieux, menace Walton quand il est interrompu par l’arrivée de Lucy qui annonce l’arrivée d’Arthur. Elle est immédiatement suivie par Clifford (Arthur) et Habacuc ; un bref échange entre eux nous apprend que Habacuc était auparavant tavernier. Clifford, après avoir salué les présents, chante un air où il dit son bonheur. Il échange ensuite quelques mots avec Mulgrave, avec qui il a eu un désagrément par le passé qu’il voudrait oublier. Mais Mulgrave refuse et, avant de sortir, dit à Clifford qu’il le hait.

Clifford s’étonne de la haine de Mulgrave, et Walton lui apprend l’amour de celui-ci pour Lucy. Tout s’éclaire pour Arthur, qui dit cependant sa surprise qu’un puritain connaisse l’amour. Il plaisante ensuite sur le puritanisme de Habacuc, qu’il croit ne pas pouvoir résister aux charmes de Sara, la nourrice de Lucy. S’ensuit un dialogue entre Habacuc et Clifford qui tourne en ridicule la rigidité de son interlocuteur, ennemi des plaisirs et qui ne rit qu’un mardi par mois, mais qui a pourtant des rendez-vous avec Dame Sara. Lucy demande ensuite à son père que la mystérieuse comtesse puisse rencontrer Arthur, dont Lucy lui a tant parlé.

Habacuc parti chercher la comtesse, Lucy apprend de son fiancé que leurs noces auront lieu le jour même. Elles seront célébrées par un prêtre anglican, mais dans la ville voisine : le prêtre n’ose pas venir à la forteresse des Puritains. Un messager s’annonce : sans doute l’envoyé du Parlement qui vient au sujet de la prisonnière. Lord Walton sort donner ses ordres, et laisse seuls les amoureux. Ils sont aussitôt rejoints par la comtesse, et tous trois entonnent un chant de joie pour célébrer le mariage à venir, Clifford y ajoutant le souhait que la prisonnière retrouve son pays puis une louange des femmes, consolatrices au milieu des discordes. Un aparté de la comtesse nous révèle son identité : elle est la reine d’Angleterre. Clifford prévient ensuite Lucy qu’il a pris le parti des royalistes, pour suivre la voie familiale, et qu’il est prêt à mourir pour cette cause. La comtesse est heureuse de ces paroles, et l’est encore plus quand elle apprend que Clifford n’était pas seulement en France, mais aussi à La Haye et y a rencontré le Prince.

Walton entre alors : il vient d’annoncer publiquement le mariage de sa fille avec Sir Clifford – par contre, il avait éloigné Mulgrave dont il craint visiblement la réaction. Il est suivi par Dame Sara et Habacuc, qui porte un coffre contenant des présents d’Arthur à Lucy : des joyaux et des ornements de toilettes. Habacuc réagit vivement à ce qui est pour lui les armes du diable, Sara récupère le coffre, et part avec Lucy pour la parer de ces ornements. Walton remet à Clifford un papier qui lui permettra de quitter la forteresse. Il ne les accompagnera pas à la ville pour leur mariage : il vient de recevoir les ordres du Parlement concernant la comtesse : elle doit partir ce jour même ; lui l’accompagnera pendant la première partie du voyage. La comtesse est affolée, ce qui la rend suspecte à Habacuc et Walton.

Ces derniers sortis, Clifford et la comtesse restent seuls. Lui ne comprend pas son trouble ; elle exprime sa crainte d’être tuée, puis lui demande de lui parler du Prince Charles Stuart. Clifford lui explique qu’une délégation d’Écossais est bien venue à La Haye, mais que les conditions de leur soutien étaient inacceptables pour le Prince : il devait bannir ses serviteurs et jusqu’à sa propre mère. La comtesse révèle alors que c’est elle, la mère du Prince. Elle n’a jusqu’à présent pas été reconnue car Lord Walton ne l’avait pas vue à la cour, n’y étant pas en faveur. Mais devant le Parlement, elle ne pourra pas garder son identité secrète… Elle demande à Clifford de donner à son fils le portrait que Lucy a fait d’elle ; Clifford répond qu’il fera tout pour la sauver même s’il doit en mourir. Il ne doit plus penser à Lucy : cela lui ôterait son courage – mais celle-ci revient justement.

Lucy, qui a déjà commencé à se parer pour la cérémonie, tient un voile à la main. Elle sent bien que quelque chose n’est pas normal, mais n’insiste pas et demande à la comtesse de l’aider à ajuster le voile : Sara ne comprend pas ce que veut sa maîtresse, Lucy va se servir de la comtesse pour montrer comment elle veut disposer le voile. Sara entre pour dire à Lucy que l’heure avance, et elles sortent en oubliant le voile.

Clifford a une idée : sous le voile, on prendra la reine pour Lucy et elle pourra sortir de la forteresse avec lui. Il donne à Habacuc, de retour, revient, le papier pour ouvrir les portes, et ce dernier sort. Clifford et la reine voilée s’apprêtent à le suivre, mais Mulgrave arrive juste à ce moment et s’adresse à la reine qu’il prend pour Lucy. Il veut provoquer le fiancé de Lucy pour empêcher leur mariage et tire son épée. La reine s’élance entre les deux hommes, Mulgrave reconnaît la prisonnière et réfléchit que, si celle qu’il croit toujours être une envoyée de la reine part avec Clifford, le mariage n’aura pas lieu : il les laisse partir.

Resté seul, Mulgrave est rejoint par Lucy et Sara à qui il apprend que son futur époux est parti. Par une fenêtre, Lucy voit Clifford sortir de la forteresse, accompagné d’une femme portant le voile qu’il a offert à Lucy. Elle commence à douter de qui elle est : « Il y a donc deux Lucy ! », alors que Mulgrave lui affirme que Clifford aimait la comtesse.

Walton arrive pour escorter la prisonnière, mais trouve à la place sa fille, qu’il croyait partie avec son promis. Habacuc le croyait, lui aussi, et n’en revient pas de voir Lucy ici : « elles sont deux ». L’acte se termine en chansons, Walton envoyant des soldats à la poursuite des fugitifs, Mulgrave triomphant dans son coin, puis Walton et Sara se rendant compte que Lucy, qui chante ses noces futures, est en train de perdre la tête.

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