Quand Calaf a résolu les trois énigmes, Turandot refuse d’accepter la nouvelle situation : elle est dans une attitude qui la protège depuis toujours, qui la fait certes sans doute souffrir inconsciemment puisqu’elle a imaginé l’épreuve des énigmes pour en sortir ; mais c’est extrêmement difficile pour elle de lâcher cette attitude. Calaf le sent plus ou moins consciemment et va l’aider à aller vers une attitude acceptant la relation.
Si les énigmes de Turandot connaissent des variations suivant les différentes versions de l’histoire, celle posée par Calaf est toujours la même. Elle est symétrique de la dernière énigme de Turandot, dont la formulation était différente mais dont la réponse était identique : le nom de la personne qui pose l’énigme. Chez les prédécesseurs de Puccini, Calaf décrit une situation, que Turandot reconnaît immédiatement, et lui demande le nom du prince dans cette situation ; ici Calaf va droit au but et demande simplement à Turandot de trouver son nom. Dans tous les cas, il s’agit de reconnaître un être humain dans sa singularité, de le sortir de l’anonymat.
Pour qui connait l’opéra Lohengrin de Wagner, il est intéressant de remarquer que l’attitude de Calaf est l’exact opposé de celle de Lohengrin : il interdit à Elsa de lui demander son nom sous peine de le perdre à jamais ; c’est aussi bien sûr un rappel du mythe d’Eros et Psyché. Dans ces deux cas, vouloir connaître le nom détruit la relation ; ici c’est au contraire un préalable à la relation.
Turandot accepte le défi de Calaf sans un mot, d’un simple signe de tête, comme lorsque, au début de l’opéra, elle a confirmé la mort du prince de Perse. Dans les deux cas, Turandot se réfugie dans le silence qu’elle attribue aux jours heureux de Lo-u-Ling.